Les représentations sociales liées au genre sont susceptibles de modifier le raisonnement et l’attitude du corps médical et ainsi d’induire des erreurs et inégalités de prise en charge. Nous nous sommes demandé dans quelle mesure notre enseignement de la médecine était un vecteur de stéréotypes de genre.
Nous avons analysé tous les sujets d’examen nationaux de fin de deuxième cycle d’études médicales de 1984 à 2022 (QCM, dossiers cliniques, dossiers progressifs) et avons systématiquement relevé les associations genre/pathologie ou genre/habitudes de vie décrites dans ces sujets. Nous avons étudié l’évolution de ces associations au cours des 30 dernières années et les avons comparées aux données épidémiologiques objectives de santé en France (issues des rapports des instituts de santé nationaux et bulletin épidémiologique hebdomadaire).
Nous avons relu 6555 sujets d’examens, dont 880 (13 %) portaient une mention de genre (masculin dans 491 cas, 56 %). Sur la période des examens classant nationaux, de 2004 à 2022, nous avons relevé 609 sujets genrés dont 269 (44 %) de genre féminin et 340 (56 %) de genre masculin. Il existe des stéréotypes de genre concernant le mode de vie. Les conduites à risque étaient systématiquement associées au genre masculin : ratio homme/femme de 2,5 pour les accidents de la voie publique, de 9 pour les conduites sexuelles à risque, de 3,7 pour la consommation d’alcool et 1,8 pour le tabagisme. À l’inverse, les problèmes d’observance étaient le fait du genre féminin (ratio H/F 0,3). En ce qui concerne les pathologies, les stéréotypes de genre apparaissaient plus évidents pour les maladies à prédominance féminine comme la maladie thromboembolique (ratio H/F 0,44) ou l’ostéoporose (ratio H/F 0,2). La part masculine était sur-évaluée par rapport aux données épidémiologiques nationales pour les cancers ORL (ratio H/F 7), pulmonaires (ratio H/F 6), digestifs (ratio H/F 7), pour le diabète (ratio H/F 1,58) et la BPCO (ratio H/F 4) alors que le ratio H/F était sous-évalué pour les cardiopathies ischémiques (3,8). Le syndrome dépressif était plus fréquemment décrit chez des hommes (ratio H/F 1,2) alors que la maladie est plus prévalente chez les femmes. Nous avons relevé 64 sujets d’examen avec mention de genre portant sur des pathologies respiratoires chroniques (hors cancérologie), dont 17 (26 %) seulement de genre féminin. Les stéréotypes de genre avaient tendance à se corriger avec le temps. Après comparaison des périodes 1984–2004/2005–2019, les sex-ratios dans les sujets d’examens se rapprochaient de ceux des données épidémiologiques.
Malgré une amélioration sur les 30 dernières années, notre enseignement de la médecine comporte toujours des stéréotypes de genre. Identifier ces stéréotypes permet d’en contrôler et limiter l’impact. Ainsi, toute initiative tendant à une sensibilisation au genre est susceptible d’améliorer la qualité de notre enseignement et de notre pratique médicale.
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Publié par Elsevier Masson SAS.